• Terre sous le soleil, pâle orange éclatée,
    Terre marquée d empreintes
    Et de l'énigmatique silence de nos pas
    Et la neige tombant, les brins d'or des flocons
    Épis fauchés au pré d un ciel qui agonise
    Sans bruit les moissons blanches
    Qui pèsent sur l'éteule,
    Les ombres ont disparu, ne restent que fantômes
    Visages de drap blanc qu'a brouillé le hasard
    La terre est un buvard que boit le crépuscule
    Un long rail de rubis chevauche l'horizon
    Et le souffle du vent boucle les chevelures
    D'arbres que la froidure a adoubé d'argent
    Le soleil épuisé traîne des lambeaux roses
    Sur les miroirs d'étangs où la vie s'amenuise
    Traîne tenue de poudre au bord d'un poudrier
    Le gel a réveillé la tristesse des pierres
    Leurs épaules ployées sous le joug des chagrins
    La nuit vient de ce qu'on ne voit plus les chemins
    Désemparée sous la ténèbre de la neige
    Mais partir, s'exiler se faire passeur des routes
    Suivre des vols d'oiseaux dont les rires fragiles
    Nous parlent de pays et de villes insoumis
    Partir vers l'inconnu ou bien
    Mettre un terme aux essors périlleux de nos corps
    S'abandonner à la geste nocturne des tisons
    La braise dénouée où je lis ton visage
    Le vent ramènera les voiles du soleil,
    Il sera temps alors de reprendre la route.


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  •  

    Lorsque le temps sera venu
    Je fermerai mes portes aux avances de la mort,
    Lorsque le temps sera venu
    Le temps des vents sales
    Celui de l'haleine des chiens
    Je resterai pour ne pas qu'ils m atteignent
    Immobile,
    Je bougerai un peu seulement un peu
    Pour cueillir sur mes doigts
    L'odeur de fleur d'oranger du souvenir
    Je balafrerai mon front en sueur
    Le couvrirai d'un mouchoir noir
    Faena nocturne épelant les nuages
    Et mes yeux
    Enfermeront dans le silence
    Les ultimes visions...
    Lorsque le temps sera venu
    J'ouvrirai les volets verrouillant ma poitrine
    Pour y poser les légendes de mes passes
    Affublées de leurs mots d'amour
    Je ferai de mon cœur un nid
    Pour les rêves de mes suicides
    L'un après l'autre étioles
    J'ouvrirai tes bras nus
    Pour y forcer nos mots
    Ces doubles restent nos mystères
    Ferai un testament de nos chants maladroits
    Et la cendre des mots te blanchira le front
    Toi mon épouse indienne...
    Lorsque le temps sera venu
    De marcher à rebours vers la mer des étoiles
    De saigner sous les jougs de paisibles vertiges
    De crier une fois dernière
    La plénitude des amants
    La monstruosité des dieux
    Lorsque le sang sous mes paupières
    Ramènera l'enfant aux genoux écorchés
    Par les jupes des pierres
    Et que je n'aurai plus la force
    D'implorer un nouveau printemps
    Alors je laisserai les orages du temps
    Poser en moi cette folie nouvelle...
    Lorsque le temps sera venu
    Je te regarderai partir
    Et t'éloigner comme une vieille
    Tassée sous le fardeau des ans,
    Je te verrai assise aux portes du néant
    Tes lèvres sur les miennes auront le goût du vide
    Quand je ne serai plus que cette ombre éplorée
    Celle qui part bien loin de tes cheveux trop gris
    Que le voile de deuil fermera mes paupières
    D'un linceul de chagrin que les ongles ont ferle
    Sous les fumées de mers assourdies de soleil,
    Lorsque je ne verrai plus de toi que le dos
    Englouti comme un songe au bout d une ruelle
    Je te dirais adieu ,enfin,
    Ma belle amante,
    Ma jeunesse...


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  • Seuls les mots de la mort

    Ne sont pas illusoires,

    Les autres ne sont que des îles

    Qui vieillissent et puis

    S'abandonnent

    Pour aller retrouver

    Le fond de la mer.

    Ces mots, mirages que le cri du poète

    Voudrait sauver de la noyade.

    L'oiseau passe trop vite,

    Son sillage est fumée

    D'un feu qui aurait consumé

    Ces vérités que l'on devrait savoir

    Trop éphémères,

    Dont on ne reçoit que l'écho.

    Quand se rompt du violon

    La dernière corde,

    Que l'horloge invente des heures

    De bien après minuit,

    Seuls les mots qui demeurent

    Ne sont pas illusoires,

    Peut-être saura-t-on alors,

    Peut-être le poète comprendra-t-il alors

    Pourquoi il a dû rire,

    Pourquoi il a pu pleurer.


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  • Il fallait que je mange, j'avais froid,
    et mon peintre peignait des flammes,
    il peignait les arcs de mes côtes
    et, entre mes côtes, ces ravines
    où adhérait ma peau trop flasque, bien trop blanche.
    J'avais faim,
    si faim qu'il m'arrivait de pleurer,
    alors il me giflait,
    appuyait ses doigts sur ma bouche,
    forçait ma chair contre mes dents
    pour me faire taire
    puis il recommençait à peindre des fleurs.
    Quand il n'avait plus assez d'argent
    pour acheter des couleurs
    il fracassait sur les murs des flacons de vernis,
    ça faisait des étoiles de sang,
    il appuyait très fort ses doigts sur ma peau
    pour la faire changer de couleur,
    la tacher de bleu, de violet,
    l'empreinte de ses doigts laissait des marques sombres
    aux bords jaunâtres un peu.
    Mon peintre il lui arrivait de m’offrir des fleurs,
    qu'il achetait quand le marché fermait
    que plus personne n'en voulait.
    Mais il embrassait mal, ses mots mordaient mes lèvres,
    il mordait si mal que ses mots
    avaient un goût de carie.
    Je me souviens de l'atelier, il y faisait toujours froid
    même habillée j'y étais nue
    mes vêtements étaient trop minces
    élimés, habillée j'avais toujours froid.
    Lui pour me réchauffer recommençait
    à peindre des flammes
    même que les murs de l'atelier ont brûlé,
    je sentais le brûlé, ma peau sentait le brûlé,
    lui riait, des mots violents jaillissaient de sa bouche,
    des mots obscènes, épileptiques, obsédés.
    Épileptique ! il ricanait : mais ton Van Gogh l'était épileptique !
    Alors j'avais pitié je prenais sa main dans la mienne
    j'essayais de l'aimer
    j’étais heureuse quand je sentais que je pouvais aimer
    même si sa peau froide était celle
    d'un saurien écorché.
    Même quand il s'est mis à peindre ces croix sur mes seins nus.
    Il était souvent trop faible pour nettoyer ses pinceaux
    alors je le faisais pour lui je m'habillais
    j'avais peur de quitter l'atelier à cause de la rue
    à cause de la police, à cause du froid.
    Sur la porte il y avait un bout de carton détrempé
    par la pluie le brouillard ou peut-être la neige,
    l'encre en avait coulé mais on voyait encore
    sur le carton son nom : Adolf Hitler peintre.


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