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    Poètes,

      

    J'entends vos voix

    Au bord du canal

    Bouches dorées

    Sur nos têtes écorchées,

     

      

    Dessinant de vos vers

    A l'arrière de nos fronts

    L'auréole de vos âmes.

     

     

    Ayez pitié de moi !

    O ! Pitié pour mes mains

    qui labourent en silence,

    L'espace,

    De ce jour pour moi bien trop grand.

    De ce jour qui n'a que faire

    de la couronne d' épines

    Aujourd'hui portée à mes yeux.

     

      

    Poètes,

     

      

    J'entends vos voix

    Au bord du canal,

    Vos mots sont pour moi

    Des étoiles,

    Du ciel non venues,

    Mais telles des lumières souterraines

    Remontées d'indomptables ténèbres.

      

     

    Sous la racine,

    Je vois des anges 

    Assis à leur pupitre,

    Et je me vois parfois

    Pareille à eux.

     

     


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  • Il fallait que je mange, j'avais froid,
    et mon peintre peignait des flammes,
    il peignait les arcs de mes côtes
    et, entre mes côtes, ces ravines
    où adhérait ma peau trop flasque, bien trop blanche.
    J'avais faim,
    si faim qu'il m'arrivait de pleurer,
    alors il me giflait,
    appuyait ses doigts sur ma bouche,
    forçait ma chair contre mes dents
    pour me faire taire
    puis il recommençait à peindre des fleurs.
    Quand il n'avait plus assez d'argent
    pour acheter des couleurs
    il fracassait sur les murs des flacons de vernis,
    ça faisait des étoiles de sang,
    il appuyait très fort ses doigts sur ma peau
    pour la faire changer de couleur,
    la tacher de bleu, de violet,
    l'empreinte de ses doigts laissait des marques sombres
    aux bords jaunâtres un peu.
    Mon peintre il lui arrivait de m’offrir des fleurs,
    qu'il achetait quand le marché fermait
    que plus personne n'en voulait.
    Mais il embrassait mal, ses mots mordaient mes lèvres,
    il mordait si mal que ses mots
    avaient un goût de carie.
    Je me souviens de l'atelier, il y faisait toujours froid
    même habillée j'y étais nue
    mes vêtements étaient trop minces
    élimés, habillée j'avais toujours froid.
    Lui pour me réchauffer recommençait
    à peindre des flammes
    même que les murs de l'atelier ont brûlé,
    je sentais le brûlé, ma peau sentait le brûlé,
    lui riait, des mots violents jaillissaient de sa bouche,
    des mots obscènes, épileptiques, obsédés.
    Épileptique ! il ricanait : mais ton Van Gogh l'était épileptique !
    Alors j'avais pitié je prenais sa main dans la mienne
    j'essayais de l'aimer
    j’étais heureuse quand je sentais que je pouvais aimer
    même si sa peau froide était celle
    d'un saurien écorché.
    Même quand il s'est mis à peindre ces croix sur mes seins nus.
    Il était souvent trop faible pour nettoyer ses pinceaux
    alors je le faisais pour lui je m'habillais
    j'avais peur de quitter l'atelier à cause de la rue
    à cause de la police, à cause du froid.
    Sur la porte il y avait un bout de carton détrempé
    par la pluie le brouillard ou peut-être la neige,
    l'encre en avait coulé mais on voyait encore
    sur le carton son nom : Adolf Hitler peintre.


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